La finance et les crises bancaires

Publié le 21 janvier 2019 Mis à jour le 21 janvier 2019
Date(s)

le 21 janvier 2019

Zoom sur la recherche

La finance et les crises bancaires

Notre article montre que seules certaines caractéristiques du développement financier augmentent la probabilité de connaître une crise bancaire.

Des systèmes financiers plus développés augmentent-ils le risque de crise bancaire ? Cette question est revenue sur le devant de la scène suite à la crise des subprimes de 2008/2009. En effet, au cours des quatre dernières décennies, les systèmes financiers ont connu une forte expansion à l’échelle internationale, sous l’impulsion de politiques de libéralisation financière et de l’essor de l’innovation financière. Nombreux sont les arguments plaidant en faveur d’un effet positif du développement financier. Celui-ci permettrait aux banques d’allouer plus efficacement les ressources disponibles au sein de l’économie, d’octroyer davantage de crédit à un coût plus faible et de mieux gérer les risques, ce qui contribuerait à soutenir la croissance économique. Toutefois, comme en témoigne la hausse sensible du nombre de crises bancaires observées dans les pays développés et en développement depuis les années 1980, une forte expansion des systèmes financiers peut aussi représenter un risque lié à la formation de dynamiques spéculatives pouvant fragiliser le secteur bancaire et l’exposer à davantage de crises.
Face à ces effets a priori ambigus du développement financier et en réponse aux conséquences récessives sans précédent de la crise des subprimes depuis la Grande Dépression des années 1930, un nombre croissant d’analyses s’attachent à comprendre plus précisément le rôle joué par le secteur financier dans le déclenchement des crises bancaires. Bien que ces travaux soulignent le rôle important des facteurs financiers pour expliquer l’origine des crises bancaires, ils adoptent cependant une vision souvent étroite de la notion de développement financier, celle-ci étant la plupart du temps envisagée au travers d’indicateurs relatifs au niveau et au taux de croissance du crédit. Le problème est que, dans ce cas, il n’est pas possible d’identifier les composantes précises du développement financier qui influencent significativement et de façon robuste le déclenchement des crises bancaires.
C’est pourquoi l’objectif de notre article est de revisiter l’étude de la relation entre le développement financier et les crises bancaires. Compte tenu de l’importance des banques dans le fonctionnement des systèmes financiers, l’idée est d’analyser les différentes sources de risque associées au niveau, à la croissance et à l’instabilité des composantes de taille et d’activité du secteur bancaire. Ces dernières sont envisagées dans une perspective plus précise que celles adoptées jusqu’à présent dans la littérature. En effet, cinq variables ont été retenues pour caractériser non seulement la taille de l’actif et du passif du secteur bancaire, mais aussi le volume de l’offre de crédit des banques en proportion du PIB et de leurs dépôts.
Notre étude se base sur un panel de 112 pays observés sur la période 1980-2009, qui comprend 113 crises bancaires. Dans la lignée des modèles de détection avancée des crises financières, nous utilisons un modèle économétrique à variable dépendante qualitative de type Logit. Afin d’évaluer précisément les composantes du développement financier les plus importantes pour expliquer l’origine des crises bancaires, nos estimations procèdent en trois étapes selon une logique allant du général au particulier. Nous commençons par évaluer l’effet associé au niveau, à la croissance, ainsi qu’à la volatilité d’une mesure globale et synthétique du développement financier. Puis nous décomposons l’effet de notre mesure globale de développement financier entre ce qui relève plus spécifiquement de la taille et l’activité du secteur bancaire. Enfin, nous estimons au sein de chaque composante de taille et d’activité du secteur bancaire les variables ayant un effet significatif et robuste sur le risque de crise bancaire.
Les résultats obtenus suggèrent qu’à l’approche des crises bancaires il existe une structure précise d’exposition au risque des banques car c’est avant tout le niveau d’activité et, dans une moindre mesure, le taux de croissance de la taille du secteur bancaire qui influencent significativement la probabilité de déclenchement des crises. Plus spécifiquement, nos résultats soulignent que le risque de crise bancaire est en tout premier lieu corrélé significativement et à la hausse au niveau de crédit rapporté aux dépôts. De même, bien que ces résultats s’avèrent moins robustes, nous montrons que le taux de croissance de la masse monétaire M3 exerce un effet significatif et positif sur l’occurrence des crises bancaires, tandis que le taux de croissance du rapport entre les actifs détenus par les banques commerciales et la banque centrale influence significativement et à la baisse le risque de crise bancaire. Une extension de notre analyse suggère en outre que la relation entre le développement financier et les crises bancaires est non seulement sujette à des non-linéarités, mais diffère aussi selon le niveau de développement économique et la fréquence des données utilisées pour caractériser la dynamique pré-crise de la taille et de l’activité du secteur bancaire.
Au regard de la littérature empirique existante, notre étude confirme certes le rôle joué par le développement financier pour expliquer le déclenchement des crises bancaires. Toutefois, nos résultats se distinguent sur deux points précis. Premièrement, nous montrons que le taux de croissance du crédit n’est pas un déterminant robuste des crises bancaires. Deuxièmement, nous mettons en évidence que ce n’est pas tant le niveau de crédit rapporté au PIB qui est corrélé significativement et à la hausse aux crises bancaires, mais bien davantage le niveau de crédit rapporté aux dépôts bancaires. Cela suggère que le risque de liquidité auquel font face les banques joue un rôle clé pour comprendre l’origine des crises bancaires.
Dans un environnement international caractérisé par la recrudescence des crises financières, cet article permet de contribuer au débat public relatif au rôle des systèmes financiers dans l’accroissement de l’instabilité financière. D’une part, en proposant une approche plus précise pour estimer la relation entre le développement financier et les crises bancaires. D’autre part, en mettant en évidence une structure précise d’exposition au risque des intermédiaires financiers à l’approche des crises bancaires qui met l’accent sur le risque de liquidité auquel font face les banques.