Publié le 24 avril 2025 Mis à jour le 24 avril 2025

Zoom sur la recherche


Capucine Chapel

Chercheuse post-doctorante
CERDI-UCA-CNRS-IRD


Julie Le Gallo

Professeure en Economie
CESAER UMR1041, INRAE,
Institut Agro


Mohamed Hilal

Ingénieur de recherche
CESAER UMR1041, INRAE, Institut Agro

Forêts, parcs, jardins, corridors écologiques... les espaces verts sont souvent perçus comme bénéfiques, mais que valent-ils réellement en termes économiques ? Cet article, coécrit par Capucine Chapel, Mohamed Hilal et Julie Le Gallo, propose une revue critique des méthodes d’évaluation économique des espaces verts. Il interroge les méthodes utilisées, identifie les lacunes persistantes et propose de nouvelles pistes de recherche pour mieux intégrer ces biens publics dans les décisions d’aménagement.

Pourquoi valoriser économiquement les espaces verts ?

Les espaces verts fournissent un large éventail de services écosystémiques, c'est-à-dire les avantages que l'homme tire du bon fonctionnement des écosystèmes naturels. Il s'agit notamment des services suivants :

  • des services environnementaux : qualité de l'air, régulation thermique ;
  • des services de santé : bien-être, santé mentale ;
  • des services sociaux : accès à la nature, cohésion sociale ;
  • des avantages économiques : augmentation de la valeur des biens immobiliers, attractivité résidentielle.

Dans un contexte de transition écologique, ces fonctions sont de plus en plus reconnues et intégrées aux politiques d’aménagement du territoire. Pourtant, leur préservation et leur développement ont un coût, et leur valeur reste souvent sous-estimée dans les arbitrages publics. D’où l’intérêt croissant pour des outils permettant de quantifier ces services de manière rigoureuse, afin d’éclairer les choix d’investissement ou d’aménagement.

L’objectif de notre article est de faire le point sur les méthodes existantes pour estimer la valeur économique des espaces verts, à partir d’une revue systématique et critique de la littérature. Nous identifions les apports, les limites et les angles morts de cette littérature, avec l’ambition de proposer des pistes pour une meilleure intégration de ces biens dans les décisions publiques.

Quelles méthodes, pour quels résultats ?

La littérature distingue classiquement deux grands types d’approches pour évaluer économiquement les espaces verts (Adamowicz, 2004) :

  • les méthodes révélées, qui infèrent la valeur des espaces verts à partir de comportements observés (ex : prix des logements, coûts de transport) ;
  • les méthodes déclarées, qui s’appuient sur des enquêtes de préférences ou de consentement à payer.

Ces méthodes permettent de rendre visibles des bénéfices indirects générés par ces espaces, et de produire des estimations utiles pour les décideurs. Cependant, leur usage présente à l’heure actuelle encore quelques limites : 

  • une forte concentration géographique des études (principalement dans les pays du Nord, en zones urbaines denses) ;
  • des définitions hétérogènes de ce qu’est un « espace vert » ;
  • des difficultés à intégrer les effets collectifs, non marchands ou à long terme.

En outre, la robustesse statistique des méthodes est souvent perfectible, et les résultats sont difficilement comparables entre les études (Bishop et al., 2020).

Au-delà de la valeur économique : une question de justice spatiale

Ces approches, en mettant l’accent sur la valeur créée, ouvrent aussi la porte à de nouvelles interrogations :

  • Qui profite effectivement de ces bénéfices ?
  • Ces bénéfices sont-ils équitablement répartis entre les territoires et les populations ?
  • Comment éviter que cette valorisation n’engendre, à terme, des effets contre-productifs comme une gentrification verte, où l’amélioration du cadre de vie s’accompagne d’une exclusion progressive des populations les plus vulnérables (Wolch et al., 2014) ?

La littérature actuelle intègre de plus en plus ces préoccupations à travers le prisme de la justice spatiale ou de la justice environnementale. Notre article souligne la nécessité de poursuivre dans cette voie, afin que l’évaluation économique ne soit pas seulement un outil de quantification, mais aussi un levier de réflexion sur les formes de répartition des aménagements environnementaux.


Référence de l’article

Chapel, C., Hilal, M., & Le Gallo, J. (2025). Review and challenges in the economic valuation of green spaces. Economics and Business Letters, 14(1), 63–74.

Références bibliographiques

Adamowicz, W. L. (2004) What’s it worth? An examination of historical trends and future directions in environmental valuation, Australian Journal of Agricultural and Resource Economics, 48(3), 419–443.

Bishop, K. C., Kuminoff, N. V., Banzhaf, H. S., Boyle, K. J., von Gravenitz, K., Pope, J. C., Smith, V. K. and Timmins, C. D. (2020) Best practices for using hedonic property value models to measure willingness to pay for environmental quality. Review of Environmental Economics and Policy, 14(2), 260-281. 

Wolch, J. R., Byrne, J. and Newell, J. P. (2014) Urban green space, public health, and environmental justice: The challenge of making cities ‘just green enough’, Landscape and Urban Planning, 125, 234–244.

Photo de couverture © IRD - Martin Bertrand