Publié le 7 mars 2025 – Mis à jour le 7 mars 2025
Zoom sur la recherche
Les exportations jouent un rôle fondamental dans la diversification des biens produits et l’évolution sectorielle de l’Afrique. Dans une concurrence mondiale intense, stimuler les exportations est toutefois un véritable défi. L’article explore dans quelle mesure la sous-évaluation des taux de change réels peut conférer un avantage compétitif au service de cet objectif. Pour 41 pays africains, entre 1995 et 2017, l’article analyse les accélérations de croissance (surges) et leurs déterminants économétriques parmi 149 produits primaires ou manufacturés relevant de la classification internationale harmonisée à quatre chiffres (HS4). Sur l’ensemble de ces observations 96 épisodes sont identifiés.
Les épisodes d’accélération de croissance des exportations : un phénomène rare
Une accélération est définie par deux phénomènes : une croissance soutenue sur plusieurs années (sept ans dans notre étude empirique) et une augmentation concomitante de la part du marché mondial sur le produit considéré. Cette situation n’arrive que rarement : la probabilité inconditionnelle d’observer l’événement n’est que de 2,3% par an.
Entre 1995 et 2017, ces accélérations ont été observées pour 149 produits HS4. Les résultats montrent que les événements concernant les produits agricoles ont dominé ceux relatifs aux produits manufacturés, notamment en Afrique de l’Ouest. Parallèlement, les exportations de biens manufacturés, bien que moins fréquentes, montrent un potentiel prometteur de nature à promouvoir la diversification économique. Les épisodes d’accélération se sont généralement produits avant 2008, une période de forte croissance mondiale largement soutenue par la demande chinoise de matières premières.
La sous-évaluation : un outil, mais pas une solution universelle
On parle de sous-évaluation d'une devise lorsqu'une monnaie est cotée à un niveau inférieur à sa "valeur réelle". Les coûts de production sont alors réduits en termes relatifs, rendant les produits locaux plus compétitifs sur les marchés internationaux.
Notre analyse montre qu’une sous-évaluation de 10 % de la monnaie locale augmente la probabilité de survenance d’un épisode d’accélération de croissance des exportations de 22 % pour les produits primaires et de 11 % pour les biens manufacturés. Le mécanisme de change agit comme un catalyseur permettant le renforcement de la compétitivité à l’exportation. Bien que la sous-évaluation soit un levier stratégique, elle n’est pas suffisante en elle-même. D’autres facteurs structurants sont essentiels pour l’obtention de ce genre de performance :
- Infrastructure numérique : Un meilleur accès à Internet réduit les coûts de transaction et améliore l’intégration des entreprises dans les chaînes de valeur mondiales.
- Gouvernance efficace : La réduction de la corruption diminue les coûts cachés et améliore la confiance des investisseurs et des partenaires commerciaux.
- Capital humain qualifié : Les pays dotés d’une population mieux éduquée affichent de meilleures performances, notamment dans les branches manufacturières à forte valeur ajoutée.
Quelles implications concrètes pour les décideurs ?
La sous-évaluation de la monnaie nationale est un levier pour stimuler les exportations africaines. Son efficacité est d’autant plus significative qu’elle peut être combinée à d’autres réformes économiques et institutionnelles suscitant l’accélération de la croissance économique et l’élévation des parts dans le commerce mondial.
Un grand nombre de travaux appellent, depuis quelques années, à une renaissance des politiques industrielles au sens le plus large du terme, c’est-à-dire en incluant les activités de production basées sur la transformation des produits primaires et la promotion des services échangeables. De telles stratégies nécessitent très généralement le couplage de mesures publiques horizontales et verticales. Les ajustements du taux de change nominal ne sont donc qu’une des dimensions possibles pour parvenir à une bonne dynamique. Les variations du taux de change réel peuvent en effet être obtenues par d’autres instruments à commencer par les gains de productivité. Ces derniers peuvent être associés à la création de zones économiques spéciales ayant pour effet de contracter les coûts de production.
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1 Ce phénomène désigne la migration des travailleurs de secteurs à faible productivité, comme l'agriculture, au profit d'activités plus rentables, comme l'industrie ou les services.
Article de référence
da Piedade, C., Jacolin, L., & Plane, P. (2024). Exchange rate undervaluation and African surges: What do we learn from exported products? The World Economy, November.