Vous êtes ici : AccueilActualitésActualités
- Version PDF
-
Traductions
INTERVIEW : Simone Bertoli « Un enclavement géographique apparent »
le 25 février 2022
Entretien avec le directeur-adjoint du Cerdi
INTERVIEW : Simone Bertoli « Un enclavement géographique apparent »
Comment êtes-vous arrivé au CERDI ?
Je suis Italien, né à Florence en Toscane. J’ai fait mes études en Italie jusqu'au doctorat en économie du développement en 2007. J’ai été recrute en Allemagne pour un gros projet européen, à l’Institut pour la recherche sur l’emploi. Puis, je suis retourne en Allemagne avant de revenir en Italie pour réaliser un postdoc à l’Institut universitaire européen. Le 3 septembre 2010 je me suis marie. Mon épouse, Francesca Marchetta, est italienne et en septembre elle était en postdoc au CERDI. Elle est aussi chercheuse en économie du développement. Je l’ai suivie.
J’ai eu la chance que l’année suivante trois postes soient ouverts au CERDI. Maître de conférences, co-chaire CNRS-Université d’Auvergne pendant 5 ans, je suis professeur d’université depuis 2016. Nous sommes là depuis 10 ans, et nous nous plaisons bien ici. En ce qui concerne la recherche, je suis un peu monomaniaque. Je m’intéresse aux déterminants des effets des migrations internationales sur les pays d’origine.
Quels sont les points positifs du CERDI ?
L’ouverture ! Ni Francesca ni moi n’avions de contacts au CERDI. Nous avons postulé et nous avons été embauchés. Ce n’est pas évident, surtout en venant d’Italie, ou le marché académique est assez ferme. L’année ou j’ai été recruté, deux autres maîtres de conférences sans lien ici ont également été recrutés. J’apprécie beaucoup cette ouverture.
Une richesse du CERDI : le contraste fort entre un enclavement géographique apparent autant qu’une réelle ouverture sur le monde. Beaucoup de chercheurs du monde entier sont invités pour des périodes plus ou moins longues et les chercheurs du CERDI interviennent également dans le monde entier. Pour certains de mes co-auteurs, je les ai rencontrés ici et c’est lors de ces rencontres que nous montons des projets de recherche communs. Ça me manque depuis le confinement. Je trouve difficile, sans le contact humain informel, d’imaginer de nouvelles collaborations. Nous pouvons poursuivre celles déjà initiées, mais pouvoir à nouveau discuter librement autour d’un café, d’un repas… Les idées nouvelles ont besoin de contact humain, et au CERDI, nous l’avions toujours eu. J’espère qu’une fois que la crise sanitaire sera passée nous renouerons avec cette habitude de travail.
Qui sont les étudiants au CERDI ?
La répartition change entre licence master et doctorat. Les Auvergnats sont majoritaires en licence. En master ça change. 47 % de nos étudiants viennent de pays non européens, notamment d’Afrique francophone. Ensuite, en doctorat 4 sur 5 sont Africains.
Cette représentativité est liée aux contacts du CERDI avec les institutions internationales. A Washington, au FMI et à la Banque mondiale, nous avons dans chacune de ces deux institutions plus de 20 anciens doctorants du CERDI. Albert G. Zeufack, l’actuel Chief Economist pour l’Afrique à la Banque mondiale est un ancien doctorant du CERDI. Ces contacts sont un facteur de rayonnement et les étudiants savent qu’en venant à Clermont-Ferrand ils s’ouvrent plus d’opportunités pour un stage dans ces institutions. Le CERDI s’est bâti une réputation et c’est naturel pour ses partenaires d’y recruter de nouveaux fonctionnaires et chercheurs.
Si une grande partie de nos étudiants vient de l’étranger, cela tient à notre réputation et d’un point de vue historique à la spécialisation du CERDI. Créé dans les années 70 par un couple de chercheurs en économie du développement, Patrick et Sylviane Guillaumont. Sylviane fait partie de la famille Jeanneney, une importante famille politique française, son père a été un des architectes de la zone Franc en Afrique. Au CERDI, on s’est toujours intéressé à des questions d’économie monétaire et des questions de finances publiques. C’est un domaine qui colle bien au champ d’action des grandes institutions monétaires internationales. Outre la réputation du CERDI, historiquement les recherches ont été axées sur ces thèmes avec une part beaucoup plus importante que dans un labo d’économie du développement standard, où l’accent est plutôt mis sur des questions microéconomiques. Au CERDI, il a toujours été question de macro, de gestion de la monnaie, de finance, de gestion et de la mobilisation de la ressource fiscale et de gestion de l’aide. Ces questions plus macro ont un intérêt particulier pour les institutions internationales. Le fil rouge qui lie les différentes thèses préparées au CERDI c’est qu’elles sont tournées vers l’empirique et non pas uniquement des développements théoriques.
L’enseignement se déroule en français ?
Historiquement dans les formations en français des intervenants extérieurs faisaient cours en anglais. L’anglais est devenu la lingua franca de la recherche. Il est nécessaire pour les étudiants français et francophones de bien maîtriser l’anglais pour poursuivre leurs parcours d’étude et professionnel. Je suis arrivé ici en 2011, à l’époque je ne parlais pas français. J’ai eu la chance de pouvoir assurer mon service en anglais, au niveau master. Nous proposons aussi une licence bilangue, sélective, avec un petit effectif pour laquelle une grande partie des cours d’économie, de statistiques, d’économétrie sont assurés en anglais.
Depuis quelques années, nous avons également des formations qui sont exclusivement en anglais, dont un master financé par l’Union européenne, entièrement en anglais, pour lequel les étudiants tournent d’un semestre à l’autre entre les trois universités partenaires.
Nous diversifions les propositions. Les formations en anglais sont attractives pour des étudiants qui n’ont pas de bonnes bases en langue française. La plupart de nos étudiants viennent des pays africains francophones mais aussi, dorénavant d’Asie et d’Amérique Latine.
Est-ce simple d’étudier à Clermont-Ferrand ?
Les étudiants sont des migrants. Le fait d’avoir déjà une communauté présente à destination facilite vraiment l’intégration. Les anciens ressortissants de votre pays sont les premières sources d’information. Si vous voulez vous renseigner avant de décider de venir à Clermont-Ferrand vous allez demander leur ressenti, et quand vous arriverez ils seront le premier facteur d’intégration. Ils vont vous dire quels sont les meilleurs endroits pour manger, pour sortir le soir, quels sont les cours ou enseignants qu’ils ont aimé davantage. C’est vraiment un facteur d’intégration. Le milieu africain ici est très riche en termes d’engagement associatif. Il existe différentes associations qui permettent de socialiser, de prendre des contacts, mais bien entendu tout n’est pas toujours facile. L’atout de Clermont-Ferrand par rapport à d’autres villes françaises, est le coût du logement, sensiblement inférieur à Paris, Lyon ou Bordeaux. Ça facilite l’intégration, mais certains de nos étudiants sont obligés de travailler pour soutenir leurs études.
Je ne vous cache pas qu’en général à l’UCA et plus précisément au CERDI, la décision d’introduire des droits d’inscription plus élevés pour les étudiants non européens a été une source d’inquiétude. Ils ont été supprimés au niveau doctorat mais demeurent au niveau licence et master. Nous n’en mesurons pas bien l’effet puisque tout est bouleversé par la crise sanitaire, mais 47 % de nos étudiants de niveau master viennent d’Afrique francophone. 2800 euros par an de droits d’inscription, c’est une source d’inquiétude. C’est dommage, certains étudiants ont la capacité de poursuivre leurs études en France mais ne pourront pas par manque de moyen financier.
Ses activités de recherche portent sur l’analyse des déterminants et des effets des flux migratoires, en particulier pour les pays d’origine des migrants. Il a notamment publié dans Journal of Development Economics, Journal of Economic Geography, World Bank Economic Review et World Development.