L’immigration en France : quels effets sur le marché du logement ?

Publié le 14 octobre 2019 Mis à jour le 26 novembre 2019
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le 14 octobre 2019

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L’immigration en France : quels effets sur le marché du logement ?


Une nouvelle étude macroéconomique montre que l’immigration n’a pas contribué à la hausse des prix immobiliers en France, alors que ces derniers influencent négativement les flux migratoires.

En France métropolitaine, les deux tiers de la population immigrée vivent dans trois régions: Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Parmi les inquiétudes économiques que la concentration géographique des personnes immigrées suscite, l’effet sur le marché du logement revient régulièrement dans le débat public. La perception qui prédomine est que les immigrés contribuent à la crise du logement et, plus généralement, constituent une charge pour l’économie française. Une simple analyse montre d’ailleurs que les prix immobiliers sont plus élevés dans les régions où les flux migratoires sont plus importants.

Les auteurs de cet article ont évalué les effets causaux des flux d’entrée d’immigrés permanents originaires de pays tiers à l’Espace économique européen (EEE) sur les prix des logements en prenant en considération les conditions économiques et l’offre du parc social. En utilisant les données des 22 (anciennes) régions de France métropolitaine entre 1990 et 2013, ils ont adapté des méthodes d’évaluation des politiques macroéconomiques afin d’identifier les effets de l’immigration sur les prix immobiliers, le revenu moyen, le taux de chômage et l’offre de logements sociaux. Cette approche permet de tenir compte des interactions entre l’ensemble des variables et, notamment, des effets que les conditions économiques, les prix immobiliers et l’offre de logements sociaux peuvent avoir sur les flux migratoires.

Contrairement à ce que laisse à penser la corrélation positive observée entre les prix immobiliers et les flux migratoires, l’article montre que lorsque les interactions sont correctement prises en compte, ces derniers n’ont pas contribué à augmenter les prix immobiliers en France. C’est plutôt la hausse des prix immobiliers qui se traduit par une diminution des flux migratoires : les flux d’entrée réagissent négativement à la hausse des prix immobiliers et positivement à l’amélioration des conditions économiques. L’offre de logements sociaux ne semble pas influencer l’immigration en France. Les auteurs mettent aussi en évidence la contribution positive des personnes immigrées à l’économie française ; le produit intérieur brut par habitant augmente et le taux de chômage moyen ne réagit pas significativement aux flux migratoires, confirmant le résultat obtenu dans un précédent article (d’Albis et al., 2016).

Les personnes immigrées qui arrivent en France sont dans leur grande majorité en âge de travailler et s’installent principalement dans les régions les plus dynamiques économiquement. Le principal motif d’admission au séjour en France est le motif familial : des ressortissants étrangers qui sont membres de familles de Français ou membres de familles d’étrangers déjà installés en France (d’Albis et Boubtane, 2015). L’accès au séjour régulier pour motif familial nécessite de justifier au préalable de conditions de revenus et de logement. Plus précisément, il est nécessaire de justifier d’un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même zone géographique dans le cadre de la procédure du regroupement familial. Lorsque le marché immobilier est tendu, il est donc plus difficile pour un immigré qui souhaite faire venir sa famille de trouver un logement respectant l’ensemble des critères et de faire une demande de regroupement. Cela expliquerait l’effet négatif des prix immobiliers sur les flux migratoires. L’article montre que ce sont particulièrement les flux d’entrée de personnes originaires de pays en développement et de femmes qui réagissent négativement aux prix immobiliers.

Par ailleurs, l’effet non significatif de l’immigration sur les prix immobiliers à court-terme pourrait s’expliquer par les spécificités du marché du logement en France. En effet, la France est l’un des pays développés où le nombre de logements par habitant est relativement élevé, en particulier comparativement aux États-Unis, et où le marché immobilier réagit le moins aux chocs. En France, le marché du logement est caractérisé par une mobilité faible ; 76% des logements sont occupés par des propriétaires-occupants ou par des locataires dans le parc social, et le marché locatif privé est relativement plus encadré que dans les autres pays développés. En prenant en compte le parc social, particulièrement important en France - 44% du marché locatif - l’article montre qu’il n’y a pas d’interaction entre l’immigration et l’offre de logements sociaux.

Même si les enjeux liés aux migrations internationales ne sont pas uniquement économiques, ces derniers sont au cœur du débat public en France. L’accès au logement dans les zones les plus dynamiques économiquement peut être source de ressentiments, mais l’immigration de ressortissants de pays tiers à l’EEE ne semble pas affecter les prix immobiliers.

Références :

D'Albis, H., Boubtane, E. (2015). « Caractérisation des flux migratoires en France à partir des statistiques de délivrance de titres de séjour (1998-2013) », Population, 70, 487-523.

D'Albis, H., Boubtane, E., Coulibaly, D. (2016). “Immigration policy and macroeconomic performances in France”, Annals of Economics and Statistics, 121-122, 279-308.