Evènements météorologiques extrêmes et intentions de migrer

Publié le 17 novembre 2021 Mis à jour le 13 décembre 2021
Date(s)

du 8 décembre 2021 au 31 décembre 2021

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Évènements météorologiques extrêmes et intentions de migrer

Les analyses empiriques de la relation entre les événements météorologiques extrêmes et la migration sont généralement confrontées au choix entre une analyse approfondie, focalisée sur un espace géographique restreint, à partir de données micro, et une focalisation plus large sur un ensemble de pays et de périodes. La première option produit des résultats dont la validité externe est limitée, tandis que la seconde se limite souvent à une analyse de données très grossières (à la fois dans le temps et dans l'espace). Dans cet article, nous utilisons des données individuelles sur les intentions migratoires issues de différentes vagues des Gallup World Polls, pour lesquelles nous disposons d'informations précises sur le lieu et la date de l'entretien, afin de combiner les avantages de ces deux approches.

Comment le changement climatique, avec l’intensification de la fréquence des épisodes métrologiques extrêmes, va-t-il influencer les migrations humaines dans les prochaines décennies ? Doit-on s’attendre à des flux migratoires transfrontaliers importants, ou à des flux essentiellement domestiques ? Apporter une réponse convaincante à ces questions d’une grande importance est très difficile, et les analyses empiriques font face à un véritable dilemme concernant le choix de l’approche à suivre. D’un côté, on peut se focaliser sur un pays ou sur une région spécifique et utiliser des données micro. Cela permet de bien prendre en compte la spécificité des conditions climatiques de la zone étudiée, mais ces analyses n’ont, en général, pas une grande validité externe. Autrement dit, elles ne nous renseignent pas forcément sur la relation entre conditions météorologiques et migrations dans d’autres régions du monde. De l’autre côté, l’utilisation de données micro couvrant un large ensemble de pays et de périodes est difficile car les données sur les migrations ne sont disponibles qu’à un niveau très agrégé, à la fois au niveau spatial et temporel. Par exemple, des évènements météorologiques extrêmes concentrés au niveau spatial et temporel pourraient ne pas produire d’effets significatifs si les flux migratoires sont mesurés tous les dix ans au niveau d’un pays entier.

Comment concilier le besoin de données détaillées sur les décisions de migrer avec l’objectif d’obtenir une preuve empirique qui puisse avoir une validité plus grande ? Nous avons cherché un compromis entre ces deux besoins en utilisant les données issues de plusieurs vagues des Gallup World Polls pour les pays d’Afrique de l’Ouest, une des régions les plus exposées aux effets du réchauffement global. Les enquêtes de Gallup sont généralement conduites chaque année, sur un échantillon d’environ mille personnes dans chaque pays. Gallup collecte les informations sur la date de chaque entretien, ainsi que des informations sur la localisation géographique (plus ou moins précises selon les pays) de chaque personne interviewée. Ces informations, qui ne sont généralement pas exploitées par les chercheurs qui utilisent les Gallup World Polls, nous permettent de relier chaque personne aux conditions météorologiques (température, précipitation, indicateurs d’évapotranspiration) de son lieu de résidence dans les mois (ou années) qui précèdent son entretien. Ces informations peuvent être mises en relation avec leurs intentions de migrer vers une destination internationale ou nationale.

Nous nous appuyons sur des techniques de meta-régression pour sélectionner la meilleure spécification des choix analytiques tels que la longueur de la période sur laquelle mesurer la fréquence des évènements météorologiques extrêmes ou la définition de ces événements. Cette analyse, qui est censée maximiser le pouvoir prédictif du modèle estimé et nous permettre d’éviter des choix arbitraires, révèle l’absence d’une relation significative et homogène entre conditions météorologiques et intention de migrer dans les différents pays de notre échantillon.

L’absence de preuve n’est pas preuve de l’absence. L’utilisation de données sur les intentions de migrer plutôt que sur les migrations effectives a des limites. En effet, il est possible que les individus internalisent les effets des évènements météorologiques extrêmes sur leur capacité à financer leur migration. Il se peut que la recherche d’une bonne réponse aux questions posées au début de ce texte requière l’utilisation de sources des données encore plus innovantes, comme celles, anonymisées, issues de l’utilisation de téléphones portables.