Ciblage d’inflation et règles budgétaires

Publié le 22 octobre 2018 Mis à jour le 9 décembre 2019
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le 22 octobre 2018

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Ciblage d’inflation et règles budgétaires : nés pour s’aimer ?

Notre article s’inscrit dans le débat entre les partisans d’une approche discrétionnaire de la politique macroéconomique et ceux de règles strictes guidant les choix politiques.
L’article montre que les règles ont des effets croisés : les règles monétaires (budgétaires) influencent le déficit budgétaire (taux d’inflation).
Les règles monétaires et budgétaires ont des effets complémentaires.


Depuis une trentaine d’années, les économistes recommandent de limiter les marges de manœuvre des gouvernements en adoptant des règles macroéconomiques plus ou moins contraignantes. En effet, les politiques discrétionnaires reflètent trop souvent des considérations de court terme, notamment électorales, qui minent la crédibilité d’objectifs désirables à plus long terme tels que la stabilité des prix ou la maîtrise de l’endettement public. Autrement dit, ces politiques sont sous-optimales car elles génèrent trop d’inflation et des déficits budgétaires non soutenables. Sur le plan monétaire, il a ainsi été observé l’émergence de banques centrales indépendantes sujettes à un régime de ciblage d’inflation. Celui-ci contraint la banque centrale à annoncer une cible de taux d’inflation et la rend entièrement responsable de mener une politique cohérente pour l’atteindre. Sur le plan budgétaire, les gouvernements ont tenté de s’attaquer aux déficits excessifs et à leur caractère déstabilisateur en adoptant des règles budgétaires. Celles-ci peuvent être définies comme une contrainte imposée à la politique budgétaire et prenant la forme d’une cible numérique concernant principalement le déficit et le montant de la dette publique. La littérature a montré la supériorité des règles sur la discrétion dans la conduite de l’action publique. Toutefois, les travaux empiriques considèrent les politiques monétaire et budgétaire de façon isolée. Dans les faits, cette dichotomie n'est pas fondée. Ainsi, la création monétaire et l’inflation en résultant ont souvent été un moyen pour les gouvernements de financer la dépense publique (seigneuriage), de réduire le poids réel de la dette publique (taxe d’inflation) et d’éviter la crainte par les prêteurs d’un défaut de paiement qui peut être responsable d’une flambée des taux d’intérêt. Par conséquent, des études théoriques suggèrent non seulement des effets croisés entre les résultats budgétaires (monétaires) et les règles monétaires (budgétaires), mais aussi des interactions potentielles entre les deux types de règles.

Le travail conduit par deux économistes du FMI : Xavier Debrun, professeur invité à l’Université Clermont Auvergne et René Tapsoba et deux chercheurs du CERDI : Jean-Louis Combes et Alexandru Minea aborde trois questions. Le ciblage d’inflation permet-il de contenir les déficits budgétaires ? Les règles budgétaires contribuent-elles à réduire l’inflation ? L’adoption conjointe d’un ciblage d’inflation et de règles budgétaires permet-elle de renforcer les effets bénéfiques des règles ?

Une étude économétrique permettant de faire apparaître des relations causales est conduite sur un large échantillon de pays avancés et en développement sur la période 1990-2009. Elle exploite des données originales sur les règles budgétaires et en particulier sur leur caractère réellement contraignant pour les gouvernements. Les principaux résultats de l’étude sont les suivants. D’abord, une banque centrale indépendante ciblant l’inflation contribue à la discipline budgétaire. Ensuite, les règles budgétaires contribuent à améliorer davantage les soldes budgétaires si la banque centrale opère sous un régime de ciblage d’inflation. On peut le comprendre en se rappelant qu’un ciblage d’inflation, en interdisant le financement monétaire du déficit, peut générer une dette plus importante, ce qui renforce l’utilité des règles budgétaires. Enfin, l'introduction de règles budgétaires semble renforcer l'effet désinflationniste du ciblage d’inflation puisque la mission de la banque centrale n’est pas menacée par l’incurie budgétaire. Certains indices permettent aussi de penser que le passage d'une politique budgétaire discrétionnaire à des règles budgétaires, même peu contraignantes, pourrait signaler un changement de régime suffisamment significatif pour avoir des effets majeurs sur les soldes budgétaires et l'inflation.

La principale implication de politique économique est qu'il est nécessaire d'adopter une approche holiste des réformes des institutions guidant les politiques monétaire et budgétaire. Les réformes partielles semblent moins efficaces que les réformes globales et, en particulier, il est nécessaire de penser conjointement les règles de politiques monétaire et budgétaire.

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