Sur la CKE en Europe centrale et orientale

Publié le 16 septembre 2019 Mis à jour le 16 septembre 2019
Date(s)

le 16 septembre 2019

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Sur la CKE en Europe centrale et orientale

Notre article montre que la relation entre pollution et croissance économique présente d’importantes hétérogénéités parmi les pays d’Europe centrale et orientale.

Les objectifs de l'Union européenne (UE) en matière de développement durable font partie des stratégies Europe 2020 et 2030 pour une croissance intelligente et durable. Mises en œuvre et contrôlées au niveau de l'UE, ces actions pour le climat visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% et 40% d'ici fin 2020 et 2030 respectivement. Ces objectifs sont conformes à la stratégie pour une économie à faibles émissions de carbone de l'UE à l'horizon 2050. Tous les secteurs de l'économie devraient contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre afin d'atteindre l'objectif de réduction de 80% par rapport aux niveaux de 1990.

Cependant, la mesure dans laquelle ces objectifs pourraient être atteints est sujette à discussion. Par exemple, en ce qui concerne le CO2 (qui représente de loin la plus grande part des émissions de gaz à effet de serre), il est encourageant de constater que les émissions dans l'UE ont diminué en 2015 par rapport à 1996. Néanmoins, d’importantes disparités subsistent dans l’UE : alors qu’une forte contraction des émissions de CO2 par habitant est constatée dans les grands pays de l’UE, dans les pays d’Europe centrale et orientale, la situation est moins favorable. En effet, sur les onze pays d'Europe centrale et orientale, seule environ la moitié d’entre eux ont enregistré des taux de croissance négatifs de leurs émissions de CO2 par habitant entre 1996 et 2015.

Motivé par la présence de telles hétérogénéités, l'objectif de notre article est d'analyser l’évolution des émissions de CO2 dans les pays d'Europe centrale et orientale. Notre but étant de fournir des informations dans la perspective de la lutte contre le changement climatique, nous lions les émissions de CO2 au développement économique mesuré par le PIB (par habitant). Cette relation, connue sous le nom de Courbe de Kuznets Environnementale (CKE) (Grossman et Krueger, 1991 ; Panayotou, 1993), a suscité une attention croissante dans la littérature.

Notre analyse diffère les études existantes pour plusieurs raisons.

En effet, de nombreuses contributions se concentrent sur les pays développés ; or, notre recherche complète les études portant sur les pays en développement ou émergents. En nous concentrant exclusivement sur les pays d'Europe centrale et orientale, nous nous abstenons de les mélanger à d'autres pays de l'UE ou à d'autres pays en développement ou émergents, car les pays d'Europe centrale et orientale présentent des caractéristiques particulières.

Premièrement, nous nous concentrons sur les particularités des pays d’Europe centrale et orientale, qui ont connu des déséquilibres majeurs au début des années 90. Pour rendre compte de la forte empreinte de la période communiste vécue par ces pays, nous estimons la relation entre les émissions de CO2 et le PIB conditionnellement à la consommation d’énergie et la liberté économique. En captant les caractéristiques cruciales de la dynamique des pays d’Europe centrale et orientale au cours de la période étudiée (par exemple, le passage d’une économie planifiée à une économie de marché), ces variables pourraient permettre de corriger un important biais de variables omises dans l’identification du lien CO2-PIB.

En second lieu, nous autorisons une spécification étendue de la CKE en augmentant la forme polynomiale de second ordre traditionnelle entre les émissions de CO2 et le PIB avec le cube du PIB, afin de prendre en compte un effet technologique potentiel. La littérature associée aux données de panel se concentre sur un lien agrégé entre émissions de CO2 et PIB. Cependant, une telle relation peut ignorer les différences entre les pays d’Europe centrale et orientale. Par conséquent, notre analyse fournit également des résultats pour la relation entre émissions de CO2 et PIB pour chacun des pays d'Europe centrale et orientale de notre échantillon.

Nos conclusions sont les suivantes. D'une part, d'un point de vue agrégé, il existe un lien non linéaire croissant entre PIB et émissions de CO2 pour le groupe des pays d'Europe centrale et orientale. Robuste à l’utilisation de différents estimateurs, en présence de variables de contrôle supplémentaires et pour d’autres mesures de la qualité de l’environnement, ce résultat suggère qu’il faudrait accorder une grande attention aux pays de la CEE du point de vue environnemental, leur développement économique en cours semblant en moyenne associé à un renforcement des émissions de CO2. D'autre part, d'un point de vue désagrégé, le lien entre PIB et CO2 se caractérise par une grande diversité au sein des pays d'Europe centrale et orientale, à savoir une relation en forme de N, de N inversé, de U, de U inversé, linéaire, ou tout simplement non significative. D'un point de vue de politique économique, ces hétérogénéités doivent être prises en compte lors de la définition et de la mise en œuvre des politiques environnementales dans les pays d'Europe centrale et orientale, et ce d'autant plus dans le contexte actuel de l'UE en matière d'environnement.

Références bibliographiques :

Grossman, G. M., Krueger, A. B. (1991). “Environmental impacts of a North American free trade agreement”, NBER Working Paper No. 3914.

Panayotou, T. (1993). “Empirical tests and policy analysis of environmental degradation at different stages of economic development”, Working Paper No. 238, Technology and Employment Programme. Geneva, International Labour Organization (ILO).