Intérêt économique du test urinaire de lipoarabinomannane à flux latéral pour la détection de la tuberculose

Publié le 19 mai 2020 Mis à jour le 4 juin 2020
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le 19 mai 2020

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Intérêt économique du test urinaire de lipoarabinomannane à flux latéral pour la détection de la tuberculose


La tuberculose est l’une des principales causes de décès dans le monde et la première cause de mortalité chez les porteurs du VIH. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 10 millions de personnes seraient malades de tuberculose tous les ans [1]. La bactérie serait à l’origine de 1,5 million de décès en 2018, dont 250 000 porteurs du VIH. Pour lutter contre cette maladie, le test urinaire de lipoarabinomannane à flux latéral (LF-LAM) est coût-efficace et permet d’augmenter le nombre de détections de cas de tuberculose chez les patients séropositifs immunodéprimés.

Au Kenya, le dépistage de la tuberculose est un enjeu majeur. Ce pays fait partie des 30 pays à forte charge de tuberculose avec une incidence de 588 /100 000 en 2016 [2]. La région de Nyanza est la zone où le nombre de cas est le plus important. À Homa Bay, la prévalence globale du VIH chez les 15-49 ans était estimée à 20,7% en 2017, plus de quatre fois la moyenne nationale du pays, et 74% chez les patients tuberculeux [3]. Ces statistiques sont le résultat d’un manque de prévention et d’accès aux soins de la population, majoritairement les très pauvres.

Actuellement, plusieurs outils permettent le dépistage de la tuberculose. Le plus courant dans les pays à faibles ressources est l'examen microscopique de crachats. Rapide, facile et abordable [4], ce test a cependant une faible sensibilité (~ 50%), particulièrement chez les patients séropositifs [5]. Les méthodes moléculaires, telles que GeneXpert, sont faciles d’usage et permettent la détection de la tuberculose en quelques heures. Elles permettent également d'identifier la résistance à la rifampicine, très bon marqueur de la TB multi-résistante [6]. L'OMS recommande ce test comme test initial pour toute personne présentant des signes et symptômes de tuberculose [7]. Cependant, ces méthodes représentent un coût supplémentaire non négligeable pour les programmes nationaux de lutte antituberculeuse [8]. Finalement, les méthodes de culture sur milieux liquides ou solides sont très sensibles. Mais ces outils nécessitent des infrastructures de haut niveau, un personnel formé ainsi que le respect scrupuleux des normes de sécurité. De plus, ces trois catégories de tests diagnostiques nécessitent la production d'un échantillon de crachats en quantité et qualité suffisants pour obtenir un résultat valide [9], véritable défi pour les patients séropositifs avancés. Parallèlement, un nouveau test urinaire de lipoarabinomannane à flux latéral, le Determine LF-LAM, est apparu comme un outil capable de détecter la tuberculose chez ces patients. Proposé gratuitement à l'hôpital du district de Homa Bay par le ministère de la Santé et Médecins Sans Frontières à tous les patients présentant des symptômes de tuberculose, ce test présente des avantages par rapport aux outils précédents dans la mesure où il ne requiert pas de crachats et reste très facile d’utilisation [9, 10].

Notre article évalue le rapport coût-efficacité de l’introduction du test LF-LAM dans le diagnostic de la TB. Dix algorithmes de diagnostic, regroupés en deux groupes, ont été étudiés : le premier groupe d'algorithmes comprenait l’examen microscopique des crachats tandis que le deuxième groupe comprenait l’examen à partir du test GeneXpert avec et sans ajout d’un test LF-LAM.

Quatre conclusions ressortent de notre analyse. Premièrement, remplacer l’examen microscopique de crachats par le test LF-LAM est très coût-efficace. 23 patients supplémentaires sont détectés à moindre coût (-87 €) et pour 103 années de vie corrigées de l’invalidité (AVCI) évitées. Ce résultat est intéressant et encourageant pour les stratégies d’amélioration de l’accès aux soins : le test LF-LAM pourrait être une alternative dans les zones rurales et isolées sans équipement, avec un accès à l’eau et à l’éléctricité limités et ayant peu de personnel qualifié. Deuxièmement, il est possible d'optimiser le diagnostic de la tuberculose en ajoutant le test LF–LAM en complément de l’examen microscopique des crachats. Cette association a permis la détection de 31 patients supplémentaires pour un ICER de 22 €/AVCI supplémentaire évitée. De plus, il est préférable de privilégier l'association de l’examen de microscopie des crachats avec le test LF-LAM plutôt qu'avec la radiologie du thorax, car plus de patients ont été détectés et l'ICER était moindre (8 €/AVCI supplémentaire évitée). Lorsque la radiologie du thorax existe en plus de l’examen microscopique des crachats, l'ajout du test LF-LAM reste très coût-efficace, avec 25 patients supplémentaires détectés et un ICER à 9 €/AVCI évitée. Troisièmement, il est plus coût-efficace d'effectuer un test microscopique des crachats et un test LF-LAM qu’un test GeneXpert seul. Enfin, lorsque le test GeneXpert est disponible, il est plus coût-efficace d'associer un test GeneXpert avec crachat et un test LF-LAM plutôt qu’un test GeneXpert avec crachat et un test GeneXpert avec urine. Le surcoût est plus élevé (2 460 € contre 2 234 €), mais l'efficacité incrémentale est plus importante (91 AVCI évitées contre 25 AVCI évitées).

En conclusion, l’ajout du test LF-LAM pour le diagnostic de la TB est très coût-efficace et complémentaire aux examens cliniques, radiologiques et au test GeneXpert. Le test LF-LAM est une alternative prometteuse pour les patients séropositifs dans les zones à capacité de laboratoire limitée.


Références:

1. World Health Organization. Global tuberculosis Report 2018. Geneva, Switzerland: WHO, 2018.

2. National AIDS Control Council. Kenya HIV estimates report 2018. Nairobi: NACC, 2018.

3. Huerga H., Ferlazzo G., Bevilacqua P., Kirubi B., Ardizzoni E., Wanjala S., et al. “Incremental Yield of Including Determine-TB LAM Assay in Diagnostic Algorithms for Hospitalized and Ambulatory HIV-Positive Patients in Kenya”, PLoS ONE, 2017; 12(1): e0170976.

4. Tuberculosis Coalition for Technical Assistance. International Standards for Tuberculosis Care (ISTC). The Hague: Tuberculosis Coalition for Technical Assistance, 2006.

5. Cain K.P., McCarthy K.D., Heilig C.M., et al. “An algorithm for tuberculosis screening and diagnosis in people with HIV”, N Engl J Med; 2010; 362: 707–716.

6. World Health Organization. Automated real-time nucleic acid amplification technology for rapid and simultaneous detection of tuberculosis and rifampicin resistance: Xpert MT. Geneva, Switzerland: WHO, 2013.

7. World Health Organization. Global tuberculosis report 2013. Geneva, Switzerland: WHO, 2013.

8. Dowdy D.W., O'Brien M.A., Bishai D. “Cost-effectiveness of novel diagnostic tools for the diagnosis of tuberculosis”, Int J Tuberc Lung Dis. 2008; 12(9):1021–1029.

9. Sabur N.F., Esmail A., Brar M.S., and Dheda K. “Diagnosing tuberculosis in hospitalized HIV-infected individuals who cannot produce sputum: Is urine lipoarabinomannan testing the answer?”, BMC Infect Dis. 2017; 17: 803.

10. Lawn S.D., Kerkhoff A.D., Vogt M., Wood R. “Diagnostic accuracy of a low-cost, urine antigen, point-of-care screening assay for HIV-associated pulmonary tuberculosis before antiretroviral”, Lancet Infect Dis. 2012 Mar; 12(3):201–209.