Forfait obstétrical en Mauritanie : évaluation d’impact

Publié le 20 avril 2020 Mis à jour le 7 mai 2020
Date(s)

le 22 avril 2020

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Forfait obstétrical en Mauritanie : évaluationd’impact

Depuis 2002, l’État mauritanien a progressivement mis en place un dispositif de prépaiement original, le forfait obstétrical, reposant sur une adhésion volontaire dans le but de couvrir les soins liés à la grossesse et l’accouchement. L’évaluation d’impact de ce forfait montre qu’un système de prépaiement volontaire ciblant les femmes enceintes peut améliorer l'utilisation des services de santé pendant la grossesse et l'accouchement.

Depuis 2002, l’État mauritanien a progressivement mis en place au niveau national un forfait obstétrical (FO). Ce dispositif de prépaiement original est offert aux femmes enceintes lors de leur premier contact avec les services obstétricaux des établissements de santé affiliés au dispositif. Le FO couvre les soins prénataux, un accouchement qualifié, les soins obstétricaux d’urgence ainsi qu’une visite postnatale (Renaudin et al., 2007; Philibert et al., 2016). L’adhésion à ce forfait, volontaire, se fait contre un paiement de 650 ouguiyas (environ 16 euros au 1er janvier 2019) à Nouakchott la capitale et 550 ouguiyas (environ 13 euros) dans les autres districts. Le prix est le même quel que soit le revenu du ménage et, le plus souvent, inférieur aux frais d'accouchement dans les maternités publiques.

En 2015, le FO était disponible dans 25 % des établissements publics de soins de santé mauritaniens (source : données de la carte sanitaire AECID 2015 [Agence espagnole pour le développement international]). Le financement du FO est assuré en partie par le gouvernement mauritanien avec l’appui technique et financier de plusieurs partenaires étrangers comme l’AFD ou l’UNICEF (Dumont et al., 2017). L’objectif de cette étude est d’évaluer l’impact de l’adhésion au FO sur l’utilisation des services de santé et la mortalité néonatale.

Une nouvelle enquête populationnelle MICS 2015, réalisée auprès d’un échantillon représentatif de ménages mauritaniens, a permis de recueillir des informations sur l’adhésion au FO chez les femmes ayant accouché au cours des deux dernières années précédant l’enquête. Ces nouvelles données devaient permettre de voir si l’adhésion au FO permettait d’améliorer le recours aux soins pendant la grossesse ainsi que pendant et après l’accouchement et de diminuer la mortalité néonatale. Nous avons adopté une approche quasi-expérimentale, basée sur l’appariement des femmes selon leur propension à adhérer ou non au FO.

Nous avons analysé 4172 accouchements. Le dispositif était connu par 58% des femmes et plus des deux tiers d’entre elles y ont adhéré. Lorsqu’une femme adhère au FO, la probabilité d'avoir au moins une consultation prénatale (CPN) augmente de 13 % (p<0,001) et celle d'en avoir quatre ou plus de 11 % (p<0,001) par rapport aux femmes n’ayant pas adhéré. Ces consultations sont plus susceptibles d'être réalisées par une sage-femme (+12 % ; p<0,001) et moins susceptibles de l'être par un médecin (-12 % ; p<0,001). Les femmes adhérentes bénéficient plus souvent d'un examen biologique et échographique pendant leur CPN que les autres. L’adhésion au FO augmente également de 15 % (p<0,001) les chances d’accoucher dans une structure de santé, plus particulièrement dans un centre de santé (+4 % ; p = 0,047) et avec du personnel qualifié (+8 % ; p<0,001), en particulier avec une sage-femme (+10 % ; p<0,001). Cependant, nous n’avons trouvé d’impact significatif ni sur le taux de consultation postnatale, ni sur la mortalité néonatale, bien qu’elle soit moins importante dans le groupe des femmes adhérentes (25/1000 chez les femmes adhérentes, 40/1000 chez les non-adhérentes), ni sur les accouchements par césarienne.

Cette étude démontre qu'un mécanisme volontaire de prépaiement axé sur les femmes enceintes améliore l'utilisation des services de soins de santé pendant la grossesse et l'accouchement, sans recours excessif à des services comme l'accouchement en milieu hospitalier ou la césarienne. Cependant, nous n'avons constaté aucun effet sur les soins postnataux, ni sur la mortalité néonatale. Il est aussi important de noter que 42 % des femmes n'avaient jamais entendu parler du FO alors qu’il était mis en œuvre en Mauritanie depuis 2002. Ce résultat suggère que des efforts doivent être déployés pour améliorer la communication et l’accessibilité au FO.

Références

Dumont A., Philibert A., Ravit M., Dossa I., Bonnet E., Ridde V. 2017. Impact du forfait obstétrical en Mauritanie : étude statistique à partir des données sociosanitaires de 2001 à 2011. Evaluation Ex-post (AFD), 66.

Philibert A., Ravit M., Ridde V., et al. 2016. "Maternal and neonatal health impact of obstetrical risk insurance scheme in Mauritania: A quasi- experimental before-and-after study". Health Policy and Planning, czw142.

Renaudin P., Prual A., Vangeenderhuysen C., Abdelkader M.O., Vall M.O.M., El Joud D.O. 2007. "Ensuring financial access to emergency obstetric care: three years of experience with Obstetric Risk Insurance in Nouakchott, Mauritania". International Journal of Gynecology & Obstetrics, 99 (2): 183–90.