INTERVIEW : Hélène Djoufelkit « Une école de la vie »

Publié le 8 avril 2022 Mis à jour le 8 avril 2022
Date(s)

le 8 avril 2022

Parcours d’anciens du Cerdi. Entretien avec Hélène Djoufelkit, Directrice du département Diagnostics économiques et politiques publiques, Agence Française de développement.

INTERVIEW : Hélène Djoufelkit « Une école de la vie »

Pourquoi avoir choisi le CERDI lors de vos études ?

J’étais extrêmement déterminée à faire le CERDI. J’ai d’ailleurs changé d’orientation pour ça. J’étais en classe préparatoire HEC, à Lyon, et j’ai découvert le CERDI grâce à un numéro spécial de L’Étudiant. J’ai découvert leur formation d’économie appliquée au développement et ça m’a vraiment beaucoup intéressée. En parallèle des concours des écoles de commerce que j’ai réussis, j’ai passé celui du CERDI et j’ai choisi le CERDI. Je suis arrivé en équivalent licence sans avoir fait de DEUG mais avec une dérogation de Patrick Guillaumont. Je n’étais pas du tout là par hasard. J’étais extrêmement déterminée, ça me plaisait beaucoup. La formation m’intéressait, à Clermont-Ferrand ou ailleurs.

Le CERDI c’était plus qu’une école, c’était vraiment « une école de la vie ». Je me souviens que nous étions de petits effectifs, grâce au recrutement sur concours de petites promotions. Nous étions tous étrangers ou presque à Clermont-Ferrand. Au-delà d’un lieu de formation, c’est un lieu de convivialité et de cohésion. C’était extrêmement convivial. Les relations sont hyper-importantes. Au CERDI, on a des relations dans le monde entier et dès qu’on fait des missions, on peut être hébergé dans le monde entier par quelqu’un passé par l’école. C’est vraiment cela qui m’a marquée. C’est une grande famille. C’est un état d’esprit mais c’est surtout quelque chose de voulu pour former un grand réseau.

Il y a aussi toutes les actions que l’on faisait en plus de la formation en faveur du développement. On avait des liens avec des associations très actives. On parlait de littérature africaine, on envoyait des livres en Afrique. Il y avait beaucoup d’énergie et d’esprit positif qui ressortait de toutes les activités. J’espère que le CERDI a de longues années encore devant lui !

Étudier au CERDI c’est enfin la possibilité de voyager. C’est un vrai plus de voyager. Il faut se rendre compte de cette opportunité, c’est un lieu qui n’est pas comme les autres. Il faut en profiter un maximum. Après, avec le recul, je me dis qu’on a plus forcément l’occasion.

Quelle place tient le CERDI dans la recherche internationale ?

Il y a le CERDI mais aussi la Ferdi, qui agit comme un think tank, et le Labex. C’est tout un projet. Tout cela donne un pôle extrêmement actif de la recherche internationale sur le développement avec une double dimension : l’influence et la formation.

A travers la Ferdi, le gouvernement finance la recherche stratégique pour donner les moyens à la France d’une réflexion indépendante et pérenne sur des sujets de développement international avec des dimensions stratégiques et de plus en plus de développement durable.

Le volet formation est extrêmement actif, avec des filières de formations initiales et de spécialisations sur des formations de cadres des pays du sud. Ce volet de formation génère beaucoup d’influence. Le CERDI a formé des générations de cadres africains et ça fait partie de l’influence de la France sur le thème de l’économie du développement, de la politique publique en faveur du développement avec une dimension macroéconomique importante.

En général, c’est au niveau des ministères des finances ou des banques centrales qu’on retrouve les anciens du CERDI, à des postes clefs de décision macro-économiques. Nous sommes très présents dans les instances internationales. Lorsque j’étais en poste à Washington, j’animais le réseau des anciens du CERDI, nous étions à peu près une cinquantaine au FMI et à la Banque mondiale ! C’est un réseau assez étendu dans son champ disciplinaire de la macroéconomie internationale et du développement.

Quels sont vos thèmes de recherche ?

A l’époque, j’étais une des rares économistes du développement française à travailler sur l’Égypte. Le CERDI était assez peu ouvert sur le Moyen- Orient, il travaillait beaucoup plus sur l’Afrique. Le CERDI s’est ouvert petit à petit, en développant un master Chine, en développant de plus en plus de recherches sur le Moyen-Orient puis l’Amérique latine. La recherche s’est élargie au fur et à mesure. Ce que je retiens, c’est l’excellence de la formation en macroéconomie. Le CERDI ce n’est pas le « Development Studies ». C’est une formation d’économiste, pointue, appliquée au développement. Ce n’est pas une formation sur le développement. Je trouve ça très bien d’avoir des fondamentaux puissants, d’avoir un savoir-faire très spécifique.

Quand j’étais au Caire, j’étais dans un centre de recherche pluridisciplinaire et d’avoir les autres apports d’autres disciplines m’a beaucoup intéressée. Sans me départir de mon expertise initiale, cela donne de la force. On ne peut pas être très bien formé dans plusieurs disciplines, en revanche on peut s’entourer de gens très bien formés. C’est ce que j’applique dans mon département de recherche de l’AFD. J’ai une équipe avec des gens extrêmement spécialisés dans leurs domaines mais qui viennent de différentes disciplines. Certes, il y a beaucoup d’économistes, il y a des modélisateurs, mais nous avons aussi des démographes, des sociologues, des géographes. Des gens extrêmement bien formés dans leur discipline et qui travaillent ensemble, c’est ce qui donne un résultat contrasté, et qui permet d’avancer sur des thèmes de recherche peut-être plus larges que si nous n’avions que des économistes. C’est cette richesse-là. Le CERDI, c’est une recherche d’excellence en macroéconomie internationale et du développement reconnue parmi les instances internationales.

Comment mettez-vous en pratique sur le terrain ?

Sur le volet recherche de l’AFD, j’ai un mandat qui est assez nouveau, au-delà de la production de recherche, nous voulons mettre la recherche au service du dialogue des politiques publiques. Si on fait une recherche sur le Maroc, le Niger, on le co-construit avec le pays partenaire.

Je refuse maintenant qu’on se lance dans une recherche complètement initiée depuis Paris. Il faut que nos agents sur place en confirment la pertinence. Quand on entre dans cet exercice de dialogue de politiques publiques, il faut que les autorités confirment elles aussi la pertinence du sujet.

Un fois le sujet clairement défini, on travaille avec les chercheurs locaux, sur la dimension terrain et empirique. Il faut créer ensuite des groupes de discussions avec les parties prenantes concernées. Pour la Tunisie, par exemple, on a travaillé sur les inégalités territoriales avec les autorités tunisiennes avec le Ministère des Affaires sociales, les syndicats, d’autres ministères...

On essaye vraiment de rassembler le plus d’acteurs représentatifs pour qu’ils puissent discuter des résultats intermédiaires, réagir. Pour que cette recherche participe non seulement dans sa production mais dans son processus même d’élaboration à du dialogue. Pour nous c’est important et c’est un travail au long cours, c’est un peu notre manière de fonctionner. On ne fait pas de conseil de très haut niveau auprès des cabinets ministériels sans associer des chercheurs. On est là pour renforcer les capacités des chercheurs et pour mettre l’expertise au cœur des politiques publiques, donner des outils pour la prise de décision. Des décisions qui seront prises ou non par les décideurs.