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Jean-Marc Bédhat Atsebi, économiste au FMI

Publié le 13 septembre 2021 Mis à jour le 6 septembre 2023
Date(s)

le 15 septembre 2021

Docteur en sciences économiques depuis septembre 2020, Jean-Marc Atsebi est actuellement économiste au Fonds Monétaire International (FMI).

Diplômé de l’ENSEA d’Abidjan, il intègre le magistère de l'Ecole d'Économie de Clermont-Ferrand en 2014 avant de poursuivre en thèse au CERDI. Il incarne le profil "Cerdien" tant apprécié par les institutions françaises et internationales.

Quelles sont vos thématiques de recherche au FMI ?

J'ai un profil de macroéconomiste. J’étudie les crises financières, leurs causes, et leurs conséquences pour les économies en développement, notamment en termes de dynamique de commerce et d’industrialisation. J’analyse les politiques budgétaires et monétaires pour déterminer leur rôle dans l’atténuation des coûts de ces crises et la réduction de leur occurrence.

Plus récemment et en lien avec les pays sur lesquels je mène mes recherches au FMI, je me suis mis à travailler sur les pays de l’ancien bloc soviétique car ils offrent un observatoire d’études intéressant pour comprendre les réformes structurelles qui marchent et qui sont nécessaires au développement des États. Ces études s’intéressent également aux programmes de stabilisation et de réformes réalisés avec l’aide des institutions internationales telles que le FMI, la Banque Mondiale, les banques de développement européennes et l’UE. Je cherche à comprendre les sources d'inefficience des politiques menées pendant la phase de transition de ces pays, de déterminer ce qui marche et ne marche pas. En bref, je veux tirer des leçons du passé pour mieux réfléchir à des politiques économiques efficientes pour les pays en développement afin qu'ils puissent réussir leur transition économique.

Avec la crise de la pandémie du COVID-19 que nous traversons depuis un an, je me suis également intéressé non seulement à l’analyse des coûts économiques et sociaux liés à la pandémie, notamment sur la croissance économique, le marché du travail et l’emploi, la dynamique de la dette et des déficits des pays, mais aussi au rôle des politiques de relance budgétaires et monétaires, notamment pour une transition verte et digitalisée, et aux futurs programmes d’ajustements nécessaires à la stabilisation macroéconomique. Cette recherche est très utile car elle permet d’élaborer des recommandations nécessaires à la sauvegarde des économies et du bien-être des populations, surtout en cette période de grandes incertitudes.

Est-ce que vous pouvez détailler le contenu de votre thèse ?

Ma thèse est composée de quatre articles. Tous les articles ont pour point commun de traiter des crises financières. Dans le 1er, je m’intéresse principalement aux effets de ces crises sur le commerce international. En effet, elles entraînent des disparités en termes de croissance pour les secteurs à fortes exportations ou importations. Dans mon analyse, je prends en compte les différences en termes de capital, de travail et de dépendance au secteur financier ou à un autre secteur. Par exemple, pour le secteur manufacturier qui est l’un des secteurs porteurs de l’économie – et qui est également à la base du développement économique de nombreux États – je démontre qu’il est fortement affecté par les crises financières. Ce sont les pays en développement ou les moins avancés qui souffrent de ces crises, leur industrialisation est ralentie, et par conséquent leur développement l’est également.

Dans le deuxième article, j’étudie le rôle stabilisateur de la politique budgétaire en période de crises économiques. Que doit faire un État pour utiliser de manière efficiente sa politique budgétaire ? Je montre qu’il a intérêt à épargner lors d’une embellie économique au lieu de dépenser plus et d’accroître son endettement. Ainsi, il pourra dans une période de récession utiliser ce revenu pour stabiliser l’économie, et garder sa crédibilité auprès des bailleurs de fonds. Une politique budgétaire contracyclique a été au cœur du développement économique et social de nombreux pays.

Ensuite, je me suis penché sur la question de la transition économique. Pendant les crises financières, les gouvernements sont réticents à l’idée de lancer des réformes structurelles. Pourtant, elles offrent une bonne opportunité de le faire, bien qu’elles soient plus faciles et moins couteuses à implémenter en période normales ou d’expansions. C’est le point de départ du chapitre 3 où j’analyse les poussées de croissance économique, comme observées en Chine et en Inde suite à la vague de réformes menées par ces pays depuis les années 1990. Pour que le train de réformes ait un effet positif, il faut au préalable que ces certaines conditions soient remplies : la stabilisation macroéconomique, une bonne qualité institutionnelle, et avoir de la chance ! Et oui, la chance joue un rôle important, notamment une hausse des prix des matières premières, une découverte majeure des ressources naturelles.

Dans le quatrième article, j’étudie comment le FMI a contribué à mettre en place les conditions générales pour favoriser les périodes de poussées croissance économique des États. Je donne de nombreux exemples… Je vous invite à lire ma thèse pour en savoir plus.

Est-ce que vos travaux actuels sont en lien avec votre thèse ?

Oui, mes travaux actuels s’inscrivent dans la continuité de ma thèse. Cependant, comme tout bon économiste, j’essaye d’étendre mes études au-delà de mes intérêts initiaux, en fonction de mes nouvelles fonctions et des difficultés économiques que traversent les pays. Ma thèse a porté sur les crises financières, d’une part, et les épisodes de forte croissance économique et de transformation structurelle comme ceux observés en Inde et Chine par exemple, d’autre part. Cette thèse a été guidée par le désir de formuler des recommandations économiques, et donc d’avoir une bonne combinaison d’analyses analytiques et opérationnelles. Pour moi et pour beaucoup d’économistes, ces recommandations sont au cœur de notre motivation et de nos recherches.

Je garde un lien important avec le laboratoire puisque je collabore toujours avec mes directeurs de thèse et d’autres Cerdiens. Là tout de suite, je continue à travailler avec mes directeurs de thèse sur des articles commencés pendant la thèse. Je travaille également sur un projet d'articles sur les ressources naturelles en Afrique avec Régina Séri qui est doctorante au CERDI, et un ancien Cerdien, Rasmané Ouedraogo, économiste au FMI. Nous analysons ensemble les effets microéconomiques, c'est-à-dire sur les individus, des découvertes et productions de ressources naturelles. Par exemple, comme le montrent plusieurs études, pour le Botswana, la découverte et l'exploitation de nouveaux gisements a eu des effets plutôt positifs sur l’économie, l’éducation, le marché du travail et la gouvernance. Nous voulons faire des préconisations à partir de ce type d'expériences réussies.

Quels sont les atouts du CERDI ?

Ce sont les enseignants-chercheurs. J'aimerais insister sur ce point, ils sont non seulement très compétents dans leurs domaines d'expertise mais aussi très impliqués dans la recherche. Ils savent quels sont les sujets d'actualité et porteurs. C’est très important pour les doctorants d'être guidés dans leurs choix professionnels. Tout au long de mon parcours, mes directeurs de thèse ont su se rendre disponibles et m’accompagner. Dans ces conditions, on peut progresser très vite, avancer dans sa thèse, et la finir au bout de trois ans ! (rires)

L’autre atout, c’est le réseau. L’École d’Économie et le CERDI nous offrent la possibilité de travailler et d’échanger avec des professeurs invités d'universités anglo-saxonnes prestigieuses, des experts des institutions internationales mais aussi des Organisations non gouvernementales (ONG). Toutes ces rencontres jouent un rôle déterminant sur notre parcours professionnel.

Finalement, la formation n'est pas axée que sur la théorie mais aussi sur la pratique des outils. Pour faire une thèse empirique, il faut maîtriser l’économétrie, Stata... Le CERDI nous met à disposition les moyens humains et matériels nécessaires.

Vous travaillez au FMI. Est-ce que c'est vrai qu'avoir une thèse au CERDI est un atout pour être recruté ?

Oui, avoir obtenu un doctorat au CERDI est un atout sur le marché du travail pour intégrer les institutions internationales.

Je peux donner des exemples pour mes collègues africains. Beaucoup sont passés comme moi par l'ENSEA Abidjan, et/ou ont choisi de faire leur doctorat au CERDI. D’autres ont préparé leur thèse à Laval, à Montréal ou à Sherbrooke.

Le CERDI est donc directement en concurrence avec ces universités pour la formation de jeunes économistes africains francophones. Les universités canadiennes sont plus proches du système anglo-saxon mais les jeunes docteurs du CERDI sont toujours recrutés par les institutions internationales, preuve qu’il est toujours dans la compétition !


Un souvenir marquant ?

Mon souvenir marquant du CERDI... Waouh, j'ai tellement de souvenirs !

Le jour de ma soutenance. Mes directeurs de thèse, Jean-Louis Combes et Alexandru Minea ont pris la parole pour dire quelques mots à mon endroit. J’ai trouvé qu’ils étaient très sincères et que j’étais pour eux un doctorant, mais pas seulement. J’étais aussi un coauteur et un collègue.

Cela m’a beaucoup touché dans la mesure où nous avons créé des liens professionnels autour d’un sujet commun qui nous passionne. Pour moi, ce moment est un souvenir marquant.