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Environnement des affaires et productivité des entreprises manufacturières

Publié le 30 octobre 2018 Mis à jour le 21 juin 2019
Date(s)

le 30 octobre 2018

Zoom sur la recherche

Environnement des affaires et productivité des entreprises manufacturières

Dans leur article publié dans la revue Applied Economics, Marie-Ange Véganzonès-Varoudakis (CERDI) et H. T. M. Nguyen (KU Leuven, Belgium et OECD Development Center) étudient de façon innovante les dimensions du climat des affaires qui participent aux performances des entreprises manufacturières selon leur secteur d’appartenance.


L’industrie manufacturière est traditionnellement considérée comme un secteur de croissance rapide à travers, notamment, l’amélioration de la productivité et sa contribution au rattrapage des économies. Les développements récents de la littérature soulignent en outre l'importance du climat des affaires pour les performances des pays. Au niveau macroéconomique, plusieurs études mettent en évidence le rôle de la bonne gouvernance et des institutions. Plus récemment, l’émergence de données d’enquêtes a conduit à une littérature qui évalue les déterminants des performances au niveau des entreprises. En ajoutant une perspective microéconomique qui capture les principales contraintes des firmes, cette nouvelle approche renforce la littérature antérieure pour la formulation de recommandations de politique économique plus ciblées.

Un travail récemment publié dans Applied Economics revisite le lien entre performance des firmes et climat des affaires, pour un panel d’entreprises enquêtées à deux reprises par la Banque mondiale dans le cadre des Enterprise Surveys (ES), dans 70 pays en développement et 11 secteurs manufacturiers. Ces enquêtes standardisées sont menées depuis le début des années 2000 dans le but de fournir des données d’entreprises comparables entre secteurs, régions et pays. Sont notamment disponibles divers résultats permettant de calculer les performances des firmes en matière de production, valeur ajoutée, productivité, investissement, exportations et emploi, de même que de nombreuses facettes de leur environnement. Une des contributions de cet article réside dans le traitement novateur de divers biais liés à la nature des données d’enquête (endogénéité, valeurs manquantes, erreurs de mesure), de même que dans la prise en compte, par agrégation, d’un vaste ensemble d’informations généralement peu valorisées pour déterminer les dimensions du climat des affaires les plus favorables à la performance des firmes.

Suivant la littérature, les auteurs définissent sept domaines essentiels de l’environnement des entreprises : la qualité des infrastructures (électricité et transports notamment), les technologies de l'information et de la communication (téléphonie, internet, ordinateurs), les capacités humaines (éducation, expérience, formation), les possibilités de financement (accès au crédit, présence des banques), les relations avec le gouvernement (qualité de la bureaucratie, règlementations, taxation, corruption), la sécurité et la stabilité politique (crimes, système judiciaire, changements de gouvernements) et la compétition (nombre de compétiteurs, importance du secteur informel). La plupart de ces dimensions expliquent de manière significative les performances des firmes appréhendées à travers la productivité globale des facteurs, ce quel que soit le traitement des variables de climat des affaires choisi. Ce résultat est intéressant en raison de sa robustesse, ainsi que du nombre important de facteurs validés par l’analyse quantitative.
Une attention particulière est également portée dans ce travail au rôle productif de l'ouverture à l’international. Celle-ci est évaluée à travers plusieurs indicateurs : le statut d'exportateur, la présence étrangère dans le capital, l’obtention de certificats de qualité et l'utilisation de licences étrangères. Ces dimensions présentent un impact positif significatif sur la performance des firmes dans la plupart des industries étudiées.

Une autre conclusion intéressante concerne les branches, dont la sensibilité au climat des affaires diffère. Bien que les performances dépendent dans tous les cas de plusieurs dimensions de l’environnement, les entreprises des industries légères semblent plus sensibles à davantage de dimensions : accès au financement, capacité humaine, infrastructures et compétition notamment. Cela s'explique par la concurrence internationale, plus forte pour ces secteurs exposés qui exigent un climat des affaires d’autant plus adéquat. Cette fragilité nécessite une attention particulière lors de prises de décisions pouvant affecter ces industries. Cela signifie également que les bénéfices d’une amélioration de l’environnement seraient plus importants dans ces secteurs, qui pourraient jouer un rôle moteur dans la capacité de développement et d’exportation des pays. Quant aux industries lourdes, bien que moins sensibles à moins de dimensions de l’environnement, elles bénéficieraient néanmoins d'une amélioration de plusieurs d’entre-elles : capacité humaine, technologies de l'information et de la communication, relations avec le gouvernement et, dans une moindre mesure, capacité de financement, ainsi que de l’augmentation de leur ouverture à l’international.

Ainsi, bien qu'un certain nombre d'études aient déjà analysé l'impact du climat des affaires sur la performance des entreprises, cette recherche récente renforce les résultats précédents en validant de façon plus rigoureuse et plus robuste, sur un échantillon plus large de pays et d'industries, l'importance d'un ensemble plus conséquent de variables d'environnement. Les résultats montrent que, dans une économie mondialisée dans laquelle la technologie diffuse rapidement et le capital est mobile, la persistance des écarts de productivité entre pays s'explique notamment par des différences de climat d’investissement. L’analyse met également en évidence le rôle productif de l’ouverture des entreprises. Dans le même temps, les firmes plus exposées à l’international sont plus sensibles aux limitations de leur environnement.

Or, les économies en développement se préoccupent d’autant plus de leur compétitivité qu’elles connaissent une faible intégration à l’économie mondiale et subissent la pression croissante de la mondialisation. Cela est vrai pour les industries légères pour lesquelles la spécialisation à l’exportation est forte, mais les industries lourdes sont également concernées, dans une perspective de diversification. Dans ce contexte, ces résultats récents sont importants en montrant quelles dimensions de l’environnement, dans quelles industries, peuvent aider les entreprises manufacturières à améliorer leur compétitivité. Cibler les réformes sur les secteurs et les dimensions du climat des affaires les plus porteurs pourrait constituer un élément de la stratégie de croissance et d'emploi des pays.